Midnight confession

« Les mains tremblantes, atrophiées par le froid environnant, j'allume une énième cigarette que je peine à coincer entre mes lèvres. A cette heure-ci, Posy doit déjà être à la maison, dans ce ridicule appartement jonché au centre de Londres et du trafique. Assise sur un banc devant la station essence la plus proche de chez nous, je me surprends de repenser à toutes ces familles d’accueil où j'avais bien pu mettre les pieds avec ma petite sœur Posy, et cela me manque. Ce qui me manque dans tout ça c'est la liberté que j'avais, et les responsabilités en moins. Certes, ma sœur et moi avions eu des "parents" d’accueil aimants, mais ils n'en restaient pas moins des inconnus qui se fichaient pas mal que je rentre après minuit tous les soirs alors que je n'avais même pas encore atteint la majorité.

Ma vie s'est toujours résumée à Posy. Malgré les relations conflictuelles tissées avec ma sœur au fil des années, cette dernière reste avant tout ma protégée. J'ai beau ne rarement montrer mes sentiments en général, et par dessus tout envers ma petite sœur, elle doit savoir au fond de son cœur que je serai la première à lui venir en aide, quelque soit le problème. Mais en attendant un scénario si dramatique, elle et moi passons le plus clair de notre temps à nous regarder en chien de faïence et à nous ignorer royalement au risque de faire éclater une autre dispute.

Maintenant que nous vivons toutes les deux à nos propres dépens, mon travail prend aussi une grande partie de ma vie. Rien que d'y penser j'en ai le ventre qui se resserre. Ayant toujours été ambitieuse, j'aspirais à trouver un métier au delà de mes attentes (en ne fichant pas grand chose à l'école, je l'avoue). On pourrait croire que le journalisme fait parti de cette catégorie mais détrompez-vous, seuls les hauts gradés dans ce métier s'épanouissent un temps soit peu alors que les subalternes se prennent tout le sale boulot. Pourtant, je ne baisse pas les bras. Je foncerai pour avoir le statut qui me plait dans cette fichue boite quitte à écraser les autres sur mon passage.

Le fait que Posy fasse, en plus de ses études, des petits boulots pour combler notre déficit financer m'est toujours resté en travers de la gorge. En tant qu'aînée c'est à moi de veiller sur ce genre de problèmes, mais j'échoue complètement. C'est déjà un miracle qu'un journal veuille de moi, étant donné le peu d'études que j'ai fait. A l'age de Posy je préférais traîner avec les garçons et abuser de la boisson plutôt que de penser à travailler. J'essaye de m'assagir, néanmoins mes démons reviennent au galop très souvent, comme ce soir.

Nos parents, nos origines, le pourquoi du comment, toutes ces questions sans réponses restent de grands mystères pour Posy et moi, et nous faisons avec chacune à notre manière. Depuis toute jeune je me suis toujours voilée la face, en préférant faire la fête et mener ma petite troupe d'amis à l'instar de ma sœur, beaucoup plus solitaire. Peu importe si j'étais en famille d’accueil ou en foyer, je prenais tout au second degré, et j'imagine que c'est encore le cas. Je pensais avoir trouvé le bon moyen pour ne pas avoir à faire face à la réalité mais elle nous retombe dessus au moment où l'on s'y attend le moins. Parfois, j'ai l'impression de devenir folle. Peut-être que ce sont mes nuits de plus en plus agitées par des rêves étranges qui me font dire ça.

Et me voilà devant cette station essence, assise sur un banc miteux à attendre un homme que je connais à peine qui va passer me prendre pour passer la nuit chez lui. Peut-être que Posy est déjà endormie maintenant. »