Les yeux perdus au loin, vers l’horizon interminable, elle le regardait, le soleil qui se couchait. Elle l’avait vu s’endormir sur de nombreux paysages divers, variés, elle l’avait admiré avec les teintes les plus contrastées, dans des endroits où elle ne poserait probablement plus jamais les pieds. Un sentiment de nostalgie la prenait maintenant quand elle songeait à son enfance, à son adolescence, ces importants moments de sa vie qu’elle avait passés aux quatre coins du monde, des pays les plus reculés, aux villes les plus peuplées, voyageant incessamment avec ses parents. Elle se souvenait avec exactitude de l’instant où ses géniteurs avaient décidé d’entreprendre cette folie, elle n’avait pas encore dix ans, elle n’avait pas vraiment d’amis, mais une grande envie d’aventures qui faisait qu’elle n’avait opposé aucune résistance au projet. Voyager, découvrir de nouveaux horizons, c’était comme un rêve pour la petite fille. Un rêve qui s’était poursuivi pendant plus de dix ans, elle avait grandi au rythme des différentes cultures, entourée par des amis tous uniques dans leur genre. Elle soupira, maintenant, elle devait revenir à la routine londonienne, trouver quoi faire de sa vie. Elle avait vingt ans, mais à aucun moment de son périple, elle n’avait songé à l’existence qu’elle voulait mener plus tard. Rien ne l’attirait plus que de continuer sa vie de nomade et de rêver qu’elle voyageait aussi à travers le temps.
- Pan, il est temps de rentrer à la maison. Maison. Maintenant oui, elle en avait une : une espèce de vieille bâtisse dans la banlieue de la ville, non loin du lieu où travailleraient prochainement ses parents et où elle, chercherait quoi faire de sa vie, déambulant sans but exact. Lentement, Alice se retourna, son regard bleu nostalgique croisa celui de sa mère. Quelle idée avait-elle eu de lui parler de sa peur de grandir ? L’adulte qui avait l’âge mental d’une adolescente s’était moquée d’elle et l’avait affublé du surnom Pan. Tout en descendant du rebord du pont sur lequel elle s’était assise pour voir l’astre se coucher, Alice se sentit prise d’une envie de fuir, une envie de courir loin, de ne pas être confrontée dès le lendemain à la réalité de sa situation. Seulement, elle sentit sa mère lui saisir fermement la main, un mouvement qu’elle voulait rassurant mais qui n’accentuait que le sentiment d’enfermement qui raidissait les membres de la demoiselle. Dès le lendemain, elle ne tarderait pas à retrouver des connaissances de sa petite enfance, elle en était certaine, elle les reconnaitrait tous sans soucis, elle s'en souviendrait. Résignée, elle suivait sa mère à travers les rues enneigées et endormies de Londres, ses pensées continuaient de vagabonder aux quatre coins du monde, de courir le long des murs, de marcher en équilibre sur les rebords des trottoirs, comme une enfant, comme une adolescente qui veut le rester le plus longtemps possible.